Les réseaux sociaux sont un outil merveilleux. Sans eux, je n’aurais pas pu progressé autant que je l’ai fait depuis mon coming out. Ils m’ont permis de vivre sous mon identité à une époque où je n’osais pas sortir sous l’apparence d’une femme. J’ai aussi pu énormément me renseigner sur la transidentité, rencontrer des tas de personnes comme moi, et même donner une audience à ce blog.
Mais les réseaux sociaux ont aussi une face sombre. Je suis sur Twitter depuis environ huit mois. Twitter m’a donné beaucoup de clefs sur le militantisme, et m’a permis de mieux me situer dans les différents courants. Malheureusement, jouissant d’une certaine visibilité maintenant, je suis devenue une cible pour certains groupes. Des gens qui estiment que les personnes comme moi ne méritent pas le bonheur/la paix/de vivre, ou tout à la fois. Des gens qui n’ont que de la haine à déverser sur celles et ceux qui remettent en cause leurs privilèges.
Je viens de subir ma seconde vague de harcèlement. La première fois, c’était en mai dernier. Un de mes tweets mentionnant ma dysphorie avait percé, et j’ai passé 24 heures à repousser les vagues de haine et d’insultes, les comparaisons immondes, et les menaces de viol et de mort. Lundi, j’ai posté quelques photos de moi sous un hashtag pour la visibilité des personnes LGBT+. Même schéma, le tweet a eu du succès, il a attiré l’attention des gens mal intentionnés qui sillonnaient les publications à la recherche de cibles, et hier matin, je me suis retrouvée avec une vingtaine de comptes à plusieurs milliers d’abonnés qui m’affichaient avec des commentaires toujours plus fleuris.
J’ai pris des mesures, et les choses semblent être retombées. Mais justement, là est le problème. Pourquoi je devrais avoir à prendre des mesures ? Pourquoi ne puis-je pas simplement montrer mon visage, parler de ma transidentité, sans recevoir des messages qui me font énormément de mal ? L’excuse du « Je donne juste mon avis » est employée à tors et à travers, mais elle ne tient pas. Quand c’est 200 personnes qui « donnent juste leur avis » en me disant que je ressemble à Shrek, ce n’est plus juste un « avis ». C’est du harcèlement de masse.
On vit dans une culture où on croit que notre parole est indispensable, peu importe le sujet. Mais c’est faux. Je n’ai pas besoin de savoir que 200 fans de foot me trouvent dégueulasse. Oui, si je poste des photos de moi, j’ai envie de recevoir des compliments, et pas des insultes et des menaces. C’est si mal que ça ? Et d’ailleurs, c’est cette culture toxique qui amène les non-concernés à donner des avis non-renseignés sur des sujets qui ne les regardent pas. Je m’en fiche qu’une personne cis ait dit un truc transphobe sans l’intention de faire de la transphobie. C’est quand même transphobe. Ce ne sont pas les hétéros qui définissent ce qui est homophobe. Et ce ne sont pas les blancs qui déterminent si tel comportement est raciste ou pas.Il est temps de se rentrer dans la tête que nos avis ne sont pas indispensables, et que souvent, ils ne sont même pas pertinents.
Et puis le contexte est important aussi. Si vous voyez qu’une personne prend des tonnes d’insultes, est-ce vraiment utile d’en rajouter une à la pile ? Je sais que ce n’est pas fait innocemment. Assumez votre malveillance, vous qui faites ce genre de choses. Il en va de même pour la question « Tu es un garçon ou une fille ? » C’est une question assez anodine comme ça. Et pourtant, quand vos photos sont affichées par des transphobes, et que quelqu’un qui se moque avec eux vient vous demander « Je veux pas être méchante, c’est juste une question, mais t’es un garçon ou une fille ? », clairement, il n’y a pas d’innocence. D’ailleurs, quand j’ai dit à cette femme que ça ne la regardait pas, elle s’est emportée et m’a insultée.
Bref, tout ça pour dire quoi ? D’une part, j’avais envie de mettre tout ça en mots depuis la première vague en mai, parce que ça m’avait fait beaucoup de mal. Et aussi pour montrer ce qu’il se passe de l’autre côté. Du côté de la victime de ce harcèlement. Hier, j’ai passé ma journée à pleurer. J’étais triste et en colère. Je voulais attraper chacune de ces personnes et les frapper le plus fort possible. J’ai passé des heures à bloquer de nombreuses personnes. Et à la fin de la journée, j’étais épuisée. Et ça n’a pas duré si longtemps que ça. Je vous laisse imaginer ce que vivent les personnes qui subissent le harcèlement pendant des semaines, des mois voire des années dans certains cas. C’est le principe de la micro-agression. Un seul message, c’est gérable. Mais quand c’est 50 en une heure, avec que de la haine, ça n’est plus gérable du tout.
J’espère grandement ne plus avoir à subir ça. Mais entre mon espoir entre un peu en conflit avec mon manque de crédulité malheureusement.